MEET ANNE-LAURE: “C'est via Instagram que je comprends que je suis en plein syndrome de la peau rouge (TSW)"

MON PARCOURS AVEC L’ECZÉMA
L’eczéma, c’est un vieux copain à moi. Je ne saurais pas dire quand ma première plaque est apparue, j'étais bien trop jeune pour m'en souvenir. Tout ce que je peux dire, c'est que l'eczéma a toujours fait partie de ma vie. Bien qu'un peu pénible (il fallait toujours utiliser un savon spécial, une crème qui sent bizarre, éviter la piscine…), c'était tout à fait gérable. Mes parents m'appliquaient une crème à base de cortisone quand j'avais des plaques : problème résolu en quelques jours.
À l'adolescence, peut-être vers mes 15 ans, la dermato me parle d'un autre traitement à base d'immunosuppresseur, qui serait plus efficace pour espacer les crises. J'essaye donc cette nouvelle crème : sensation forte garantie. La sensation de brûlure à chaque fois que j'effleurais ma peau était à la limite du supportable. Mais j'ai tenu bon et le nouveau traitement a tenu ses promesses : mes crises se sont effectivement espacées.
J'ai été relativement tranquille pendant quelques années. Puis j'ai commencé une alternance. Après deux semaines dans l'entreprise, un autre jeune en alternance s’est fait virer. Je suis tellement anxieuse qu'il m'arrive la même chose que je m'en rends malade : maux de ventre, nuits écourtées et bien sûr, le retour de mon vieil ami l'eczéma.
À partir de ce moment-là, j'ai plusieurs petites crises de quelques jours par an et en général une plus intense l'hiver, qui durait souvent jusqu'à 3 semaines. Je continue mon bout de chemin et je suis à la lettre les conseils des dermatologues qui me suivent : cortisone, tacrolimus (immunosuppresseur), compléments alimentaires, huile pour le bain, savons spéciaux… Le pharmacien me dit merci, je dépense des centaines d'euros tous les hivers en soins pour les peaux atopiques.
Puis à l'été 2020, ma maladie de peau va prendre un tournant dont je me serais bien passée. Heureuse déconfinée, je retrouve mon copain qui vit à Londres. On décide de louer un appartement à Paris pour un mois. Le contexte anxiogène, les fortes chaleurs, une nouvelle lessive : ma peau voit rouge. J'ai des démangeaisons partout, je dors très mal. Pourtant, à ce stade, je n'ai aucune plaque. Je décide de prendre rendez-vous avec le généraliste. Ce dernier me reçoit… par vidéo. Pratique quand il s'agit de discuter d'un problème de peau. Je décris mes symptômes et on me prescrit deux tubes de crème à base de cortisone.
Je m'étonne et je réponds "Mais… ça touche mon corps entier, je vais finir le tube en deux jours…" On me répond qu'au besoin on m'en redonnera… A noter que les traitements à base de cortisone doivent s'arrêter progressivement, au risque de faire une rechute. C'est mentionné sur la notice.Un déménagement en Angleterre et 6 renouvellements de cortisone plus tard, je suis à bout.
faire son diagnostic de peau
1 mois pour calmer sa peau
Je suis passée de simples démangeaisons à de larges plaques d'eczéma. Chaque fois que je finis un tube de cortisone, il ne faut pas moins de quelques jours pour que de nouvelles plaques apparaissent, toujours plus étendues, toujours plus douloureuses. Je dors très peu, ma peau est si rouge qu'on dirait que j'ai pris un immense coup de soleil. J'ai froid en permanence et j'ai mal partout. J'ai l'impression d'être folle. Je n'arrête pas de dire aux médecins que mon eczéma n'a jamais été aussi étendu et virulent. On me dit que c'est le stress lié au Covid, l'évolution de ma maladie, que je dois être allergique à quelque chose chez moi.
LE RED SKIN SYNDROM
Désespérée, je passe des heures à chercher sur Internet dans l'espoir de trouver des réponses. Et puis un jour, sur Instagram, je vois passer la photo d'une jeune femme dont la peau ressemble à la mienne. Un hashtag m'interpelle : #thisisnoteczema. Intriguée, je consulte son profil. A la fois soulagée et horrifiée, je découvre enfin que je ne suis pas seule, que je ne suis pas folle, que d'autres personnes souffrent des mêmes symptômes que moi et que non, ce n'est pas un simple eczéma. Il s'agit du syndrome de la peau rouge aussi appelé Topical Steroid Withdrawal (TSW) en anglais. Je passe des jours à me renseigner et j'en arrive à la douloureuse conclusion qu'il n'existe pas de traitement. La seule solution qui s'offre à moi est d'arrêter la cortisone, qui désormais me rend malade plus qu'elle ne me soigne. Les témoignages que je lis parlent de mois, voire d'années pour se rétablir.
Je me dis qu'il ne faut pas perdre de temps et je commence donc mon sevrage. Une vraie descente aux enfers. En à peine quelques jours, ma peau est en feu. Seules les paumes de mes mains ne sont pas rouge vif. Les démangeaisons sont incessantes et si intenses que je m'en arrache la peau. J'ai froid, je tremble en permanence, même sous un plaid à quelques centimètres d'une cheminée. Ma peau est si fragilisée qu'à chaque fois que je gratte, je suis à vif et ma peau suinte. Il devient presque impossible pour moi de supporter une douche, je hurle de douleur au contact de l'eau. J'alterne les phases d'inflammation, ou ma peau semble brûlée, avec les phases d'intense sécheresse ou je perds des tonnes et des tonnes de peau morte (glamour…). Chaque mouvement devient douloureux, je peine à marcher. Je perds le sommeil et l'appétit. Je perds du poids et finis par peser 44 kilos (je suis généralement autour de 50). Je ne me reconnais plus dans le miroir, je suis maigre, incapable de me tenir droite tant mon corps me fait souffrir et ma peau fripée laisse penser que je suis une femme âgée.
J'ai tellement mal que je ne supporte aucun contact. Je porte les vêtements en coton de mon copain et je dors sur un tapis de yoga posé au sol, près de la cheminée car le contact avec le matelas et les draps est devenu insupportable. Enfin, je m'allonge plutôt car pendant près de 4 mois, je ne dormirais pas de la nuit. Les ravages du manque de sommeil sont terribles : j'étais incapable de me concentrer sur quoi que ce soit. Même une vidéo de chats mignons ne retenait pas mon attention plus de quelques minutes. Exténuée, en souffrance, j'ai mis ma vie sur pause pendant plusieurs mois.
Au fil du temps, j'ai commencé à avoir un ou deux jours de répit entre deux crises. Puis petit à petit mon état s'est amélioré. Le temps paraît si long quand on est souffrant… On est loin du résultat "miracle" de la cortisone en quelques jours. Après 6 mois dans cet état, l'inflammation s'est suffisamment calmée pour réaliser des tests pour trouver d'éventuelles allergies qui auraient pu provoquer ma crise initiale. Résultat : rien que je ne savais et donc évitais déjà.
VERS UNE SOLUTION !
L'allergologue m'oriente vers un dermatologue en centre hospitalier. Après des mois de souffrance, je raconte mon parcours, je montre les photos que j'ai pris. Même l'infirmière peine à réprimer son effroi face aux images de ma peau abimée. Réaction du médecin : "Il n'y a pas d'effet secondaire avec la cortisone, juste des personnes qui ne savent pas l'utiliser correctement". Je rétorque que j'ai suivi les prescriptions que l'on m'a données. Elle concède que j'ai peut-être été mal accompagnée mais me fait quand même remplir un questionnaire destiné à calculer mon degré de "corticophobie". Je me sens humiliée et jugée. Comme si j’avais choisi mon état et que j’avais l’audace de m’en plaindre.
La dermatologue finira par me prescrire 30 d'UV (photothérapie) à réaliser 3 fois par semaine à l'hôpital entre février et avril. Les résultats sont concluants, ma peau semble presque complètement guérie. Malheureusement, les effets ne dureront pas très longtemps. Peu de temps après l'arrêt, des plaques sont réapparues. Au fil des semaines, elles se sont étendues pour finir par toucher l'intégralité du corps au bout de quelques mois. J'ai passé l'hiver en crise. Même si mon état est loin d'être aussi catastrophique qu'à l'arrêt de la cortisone, c'est épuisant d'avoir toujours la peau qui gratte, brûle, craque, pèle et ainsi de suite.
J'entame ma deuxième session de photothérapie. J'ai des résultats moins impressionnants que la première fois, mais ça m'aide beaucoup malgré tout. Je pense que ce n'est pas une solution de long terme mais que cela peut aider à soulager les crises les plus étendues. Je le prends comme un coup de pouce. De toute façon, il n'est pas possible d'utiliser ce traitement de manière régulière en raison du risque accru de cancer de la peau. Aujourd'hui, le plus dur c'est d'accepter que j'ai une maladie chronique et que je n'en guérirai pas. Je serai toujours plus sensible à la fatigue, au stress, à une mauvaise hygiène de vie que n'importe quelle personne en bonne santé. Je pourrais apprendre à gérer tout ça, mais l'eczéma fera toujours partie de ma vie, en toile de fond.
J'irais mieux, j'en suis convaincue. Maintenant, il s'agit juste de trouver un équilibre de vie qui me convient, me faire plaisir tout en gardant en tête que mes limites sont plus vite atteintes que pour d'autres. Il faut juste être assez patient et accepter que cela puisse prendre des mois avant d'avoir un résultat. Cette épreuve m'a permis de réaliser (bien que je le sache déjà) que je suis entourée de belles personnes qui sont là pour me soutenir quoi qu'il arrive. Ma famille, mes amis mais surtout mon chéri qui pendant des mois a tout fait pour m'épargner le moindre inconfort. Leur soutien a été ma béquille pendant de longs mois.
Il n'y a pas de crème ou de recette miracle pour soigner une maladie comme l'eczéma chronique. C'est un ensemble de choses (alimentation, gestion du stress, sport, relaxation) adaptées à ses propres besoins qui vont aider à gérer les crises. Il suffit d'aller faire un tour sur le site de Saskia pour trouver une tonne de conseils et d'infos pour nous aider à mettre en place une nouvelle routine :)
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