MEET JUSTINE: Comment j’ai appris à aimer mon corps et mes plaques

Trois mots pour définir ton eczéma
Pénible (on va pas se mentir…), Présence (non seulement parce que mon eczéma est une présence dans ma vie, j’y pense souvent, je vis avec, mais aussi parce qu’il faut être présent.e pour son eczéma) et Alerte (parce qu’avec le temps, j’ai appris à comprendre que mon eczéma était une façon pour mon corps de m’envoyer des signaux, et pas seulement une maladie désagréable)
Quand sont apparues tes premières plaques ?
J’avais 17 ans (il y a 9 ans déjà…) quand ma première plaque est apparue, et j’étais en première année de classe prépa. J’étais certes un peu plus stressée que d’habitude à cause de la pression en prépa mais rien de nécessairement hors normes non plus. Je me souviens très bien, ma première plaque est apparue sur mon avant-bras droit, proche de l’intérieur du coude, sous forme d’une plaque rouge, de forme circulaire et entourée de petits bulbes, et qui démangeait beaucoup. Au début, je ne m’en suis pas trop inquiétée. Mes deux parents sont médecins, alors je leur ai montré, et comme toujours, ils ont dit que ce n’était « rien » (ahhh les parents médecins, pour eux rien n’est jamais grave, ils ont vu pire !).
Au cours de cette première année d’eczéma, je ne me souviens plus très bien comment les plaques ont évolué, mais je me souviens en avoir eu beaucoup sur le cuir chevelu. Les plaques démangeaient beaucoup et ça suintait, ça faisait des pellicules, ça se voyait et j’avais du mal à assumer. A ce moment-là je n’avais pas encore mis le mot « eczéma » sur ce qu’il se passait alors quand on me demandait pourquoi je me grattais, mes cheveux collaient à certains endroits etc je ne savais pas quoi répondre et c’était assez désagréable.
Au bout d’un moment, je suis allée voir une amie dermato de ma mère qui m’a dit que c’était de l’eczéma, est c’est la que j’ai commencé les traitements à base de crème a la cortisone (que je surnomme affectueusement cortichérie), et shampooing Ketoderm.
Je précise que malgré ces traitements, depuis 9 ans, j’ai toujours eu des plaques d’eczéma. Je pensais que le traitement allait faire partir les plaques, alors que j’embarquais pour un long voyage…. A posteriori, j’aurais aimé qu’on me prévienne que ce traitement n’était en fait qu’une béquille et pas une solution.
Où sont situées tes plaques ?
J’en ai un peu partout sur le corps, pas toujours aux mêmes endroits, et pas partout en même temps. Depuis que j’ai de l’eczéma j’ai eu des plaques sur (de haut en bas) le cuir chevelu, le visage (front, paupières, joues, lèvres), la poitrine (seins, tétons), les épaules, coudes (intérieur et extérieur), avant-bras, énormément sur les mains et les doigts, dans le dos, dans la vulve (horrible), sur les genoux (intérieur et extérieur).
L’endroit principal pour moi, c’est les mains, et mes mains ont énormément souffert. Sècheresse intense, crevasses… mes mains ont été extrêmement fragilisées par les plaques à répétition.
L’endroit le plus traumatisant pour moi ça a été la vulve. La démangeaison se transforme en douleur, impossible d’avoir des rapports sexuels, baisse drastique de confiance en soi et d’estime de soi, difficulté d’en parler librement… Je pleurais dans mon lit toute seule tellement j’étais désemparée.
En plus de mes plaques d’eczéma, j’ai une rhinite chronique, qui est en gros comme avoir de l’eczéma dans le nez, qui fait que j’ai le nez très sensible et que j’éternue beaucoup.
Je souffre aussi d’une conjonctivite chronique, et je pense que ça a été le coup de grâce dans mon parcours avec l’eczéma. Je m’explique :
Mon eczéma a commencé en 2013 ou 2014, et en 2019 j’ai développé ma conjonctivite chronique. Mes yeux larmoyaient en permanence, me démangeaient beaucoup, étaient collés tous les matins, et me faisaient extrêmement mal. Parfois, mon visage était tellement défiguré que je n’allais pas au travail, non seulement à cause du fait que je n’assumais pas ma tête, mais aussi car je savais que la journée allait être difficile, que j’allais avoir mal aux yeux, les yeux qui grattent, qui pleurent etc. Je restais chez moi, je dormais, j’essayais de garder les yeux fermés. Aucune sorte de gouttes pour les yeux ne faisaient effet… Pendant un an, j’étais un plus bas, et avec du recul, je pense que j’étais en dépression sans le savoir. Mes yeux étaient la seule chose à laquelle je pouvais penser, je pleurais chaque jour, je loupais le travail, loupais des activités avec mes amis, je ne pouvais plus faire les choses que j’aime car mes yeux étaient trop sensibles pour faire quoi ce que soit de sportif ou qui salit les mains (c’est particulièrement difficile de s’empêcher de se toucher les yeux)… Et surtout, j’étais incomprise.
Je vivais une période tellement difficile, et lorsque j’en parlais à ma famille, mes amis ou mon amoureux, personne ne comprenait la douleur que je ressentais, la difficulté à s’empêcher de se gratter, le fait que je préférais rester seule car je savais que si j’étais au travail, ou avec des amis, et que mes yeux commençaient à suinter, à larmoyer, à piquer, je n’aurai aucun moyen d’empêcher la crise d’empirer. Cette solitude face à mon problème m’a vraiment cassé le moral et me maintenait dans un cercle vicieux dépressif.
Puis le COVID a pointé le bout de son nez, et je me suis confinée avec ma famille, dans une maison de campagne. Ralentir le rythme, être dans la nature, avoir plus de temps pour moi a été salvateur et m’a permis de démarrer une nouvelle relation avec mon eczéma. J’ai commencé une thérapie, je me suis tourné vers le naturel. Ça fait un an que je n’ai pas eu de grosse crise, et je revis !
Qu’est-ce que tu te dis quand tu vois une nouvelle plaque apparaitre ?
Avant, lorsqu’une nouvelle plaque apparaissait, j’étais dégoutée. Je préférais l’ignorer, faire comme si elle n’existait pas, jusqu’à ne plus en pouvoir et la tartiner de cortisone jusqu’à ce que disparition s’en suive. Mais ce système ne peut pas fonctionner sur le long terme.
A cette époque, lorsque je commençais à avoir beaucoup de plaques sur le corps en même temps, je me lançais parfois dans des « combats contre mon corps », ou je me tartinais de cortisone matin et soir pendant des semaines. J’avais vraiment une relation d’ennemi avec ce corps qui me trahissait.
faire son diagnostic de peau
1 mois pour calmer sa peau
Maintenant, j’ai complètement changé mon approche. En thérapie, j’ai fait des exercices tout bêtes qui m’ont aidé à réaliser que j’avais tous les outils nécessaires pour ne plus avoir à être l’ennemie de mon corps, mais son alliée. Par exemple, j’ai fait des listes de choses que j’aime faire, qui font du bien à mon corps et mon esprit, comme manger, danser, faire du sport, être créative etc.
Grâce à la thérapie et aux bonnes influences comme Saskia, j’ai appris à être plus à l’écoute de mon corps et de m’en occuper comme une personne que j’aime profondément et à qui je veux du bien. Jamais je ne cautionnerais de tartiner mon mec ou ma sœur de produits chimiques matin et soir, alors pourquoi je me le ferais a moi-même ?
Lorsqu’une nouvelle plaque apparait, j’essaie de la comprendre – pourquoi elle est la celle la ? Est-ce que mon alimentation laisse à désirer ces derniers temps ? Est-ce que j’utilise un nouveau produit récemment, est ce que je suis stressée, est ce que je manque de sommeil, d’hydratation, de soleil… Je me pose ces questions pour tenter de comprendre l’origine de la plaque. Après un week-end de soirées endiablées, Five Guys à gogo, bières en open bar etc, je ne m’étonne pas de voir apparaitre quelques plaques. Parfois, je ne trouve pas de raison spécifique a leur présence, mais je les accepte.
Je leur donne de l’amour, je m’en occupe, je les garde à l’œil pour voir comment elles évoluent, mais je les respecte. Si une plaque est une sonnette d’alarme, alors j’écoute ce qu’elle a à me dire.
Comment tu abordes tes crises ? Quels sont tes indispensables lors d’une crise ?
Lors d’une crise, j’essaie de m’assurer que mes bases sont solides : je mange sainement, je bois beaucoup d’eau et je dors bien (du mieux que je peux). Une fois que j’ai les bases, j’essaie de retirer le superflu : j’évite l’alcool, les situations stressantes, les repas trop gras.
Je n’ai pas encore atteint le 100% naturel, si besoin, j’utilise un peu de cortisone, avec parcimonie et je veille à arrêter le traitement très progressivement. Après une année sans crise, mon objectif pour l’année prochaine est de faire en sorte que la cortisone ne soit plus mon premier recours en cas de plaque ou crise.
Je trouve que c’est important d’aller à son rythme dans la transition, pour comprendre petit à petit ce qui fonctionne pour soi.
Quels sont tes conseils anti-grattage ?
Pour éviter que ça gratte, je conseille de déterminer ce qui gratte : c’est un certain type de tissu ? C’est la chaleur ? Le grattage est un mouvement « réflexe » du corps dans certaines situations ? Une fois qu’on a mis le doigt dessus, c’est plus facile d’éviter les démangeaisons
Quand ça gratte, j’aime bien me passer un roll-on de jade que je garde au congélateur. La douceur de la pierre qui roule et le froid aident beaucoup à réduire la démangeaison.
Quel a été ton déclic pour aller vers le naturel ?
Le déclic pour aller vers le naturel a été de commencer à considérer mon corps comme une personne que j’aime. Par exemple, ma sœur : jamais je ne dirais à ma sœur que sa peau est moche et qu’elle devrait la cacher, même si elle avait des plaques. Jamais je ne lui étalerais des crèmes néfastes et chimiques de mon plein gré chaque matin et chaque soir en sachant très bien que je ne lui rends pas service. Jamais je ne lui dirais qu’elle est nulle de ne pas réussir à s’empêcher de se gratter, ou qu’elle est stupide de se gratter en sachant très bien que ça empire la situation.
C’est pourtant comme ça que je traitais mon corps.
Alors j’ai commencé à me porter plus d’amour propre, plus de considération, de compréhension, de patience. Ma sœur, je lui dirais que ça va aller, que je la comprends, que c’est normal de se sentir dépassée parfois mais que ce n’est pas le bout du chemin, et je lui dirais qu’il existe des solutions naturelles, je ferais des recherches pour elle, je lui enverrais des liens, je la taguerais sous des posts instagram, je lui offrirais des crèmes, des soins, des livres pour l’aider…
Alors j’ai fait ça pour moi, et je dois dire que depuis, je vais beaucoup mieux !
Comment as-tu commencé et réussi ta transition vers le naturel ?
Je me suis beaucoup documentée sur les maladies inflammatoires et j'ai découvert que l'hygiène de vie y était pour beaucoup mais pas que. J'ai donc consulté des naturopathes qui m'ont aidée à mener à bien cette transition mais aussi à travailler sur mon anxiété et ma santé mentale.
Quel a été ton meilleur allié dans ton combat avec l’eczéma ?
Mon meilleur allié, ça a été ma psy. En lui parlant à elle, en lui disant ce que j’avais déjà dit des tonnes de fois à mes proches, je me suis libérée. Car ma psy, lorsque je lui disais que j’étais désemparée par mon eczéma, elle ne cherchait pas de solution contre l’eczéma. Ma psy, elle cherchait une solution pour mes émotions. En lui parlant à elle, j’ai réalisé qu’on ne m’avait jamais vraiment écouté. Certes, mes proches voulaient m’aider en cherchant de solutions aux problèmes dont je leur parlais, mais ce dont j’avais besoin, c’était qu’on me laisse exprimer mes émotions. Avoir pu dire à quelqu’un que mon eczéma me rendait triste, me cassait le moral, prenait le dessus, et voir cette personne en face s’intéresser aux émotions plutôt qu’à l’eczéma, c’est ce qui m’a permis de me concentrer sur moi plutôt que sur l’eczéma lui-même.
Comment gères-tu tes émotions au quotidien ?
J’ai appris à ne plus réprimer mes émotions, mais à les vivre pleinement. On ne peut pas contrôler tout ce qui nous arrive, mais on peut contrôler comment on y réagit. Que ce soit colère, tristesse, joie, excitation, frustration, je laisse mes émotions s’exprimer dans mon corps, je les ressens en pleine conscience et les accepte. J’évite d’agir sous le coup de la colère ou de la frustration, mais je ne les enfouis pas au fond de moi. C’est “OK” d’être énervée quand il nous arrive quelque chose d’énervant. On peut laisser venir l’émotion et la laisser partir
Quel est selon toi ce qui influe le plus sur l’autre ? Les émotions sur l’eczéma ou l’eczéma sur les émotions ?
L’un aussi bien que l’autre. Parfois l’eczéma peut donner un sacré coup au moral, et parfois, lorsqu’on est stressé.e, triste, ça crée un déséquilibre et une plaque d’eczéma se pointe.
Selon toi, la phrase qu’il ne faut jamais dire à un eczémateux ?
« Arrête de te gratter ! » c’est la pire phrase !
Autrement, lorsqu’un eczémateux vous confie son parcours avec l’eczéma, écoutez-le, tout simplement. A moins qu’il vous demande des conseils, ne vous sentez pas obligé d’en donner. Soyez à l’écoute, soyez compréhensif et bienveillant
Quelle est ta meilleure anecdote d’eczéma warrior ?
Ma meilleure anecdote c’est que passer du temps au soleil fait disparaitre mes plaques comme par magie, et j’utilise cette excuse pour me faire bronzer sur mon balcon au moindre rayon de soleil !
Quel est ton conseil/mot pour les autres eczéma warriors ?
Traitez-vous comme vous traiteriez une personne que vous aimez ! Ça vaut pour l’eczéma mais aussi pour toutes les autres situations de la vie ! Les cours, les examens, le boulot, le sport, les compétitions, la beauté, le body… Soyez votre propre cheerleader, comme vous le seriez pour votre mère, meilleure amie, copain, copine, sœur, etc…
- Tags: temoignage